Les dix commandements pour concilier route et trail

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Entre le trail et la route, faut-il choisir ? Si une simple portion de bitume vous rebute, si le moindre sentier vous effraie, la réponse est oui. Si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à concilier les deux pratiques, sans oublier de respecter les dix commandements livrés par six experts dont Julien Rancon, vice-champion du monde de trail et néanmoins spécialiste des courses sur route, avant la pandémie de Covid-19.

1 Ta base d’entraînement, tu conserveras

« Aujourd’hui, comment peut-on soutenir que les routards n’ont rien à faire au départ d’un trail, et inversement ? » Patrick Bringer est un passionné, lui l’ancien triathlète reconverti traileur. A ses yeux, la base des deux pratiques est commune, quels que soient le niveau du coureur et les compétitions ciblées. Elle permet « de frapper à toutes les portes », ou presque. Le champion de France de trail long 2015, également entraîneur, fait ici allusion aux gammes athlétiques (montées de genoux, etc.) et au maintien de la vitesse maximale aérobie (VMA).

« Que l’on travaille cette puissance aérobie sur piste ou en bosse, en fonction de l’échéance à venir, les comportements physiologiques sont proches, tout juste peut-on observer des différences biomécaniques », abonde Julien Rancon, vice-champion du monde trail 2019, qui a fait de la route un passage annuel obligatoire. Ses références chronométriques appuient son discours : 30’15 sur 10 km, 2h20’47 sur marathon. L’Auvergnat ajoute à cette base l’endurance, fondamentale ou à haute intensité.

2 Tes objectifs, tu choisiras

Rien n’interdit d’empiler les dossards (quand cela est possible). Ni personne. Surtout pas Julien Rancon : « si tu trouves ton plaisir dans le fait d’enchaîner les courses sans objectif précis, pas de problème. A moins de se lancer sur une distance importante, une base correcte et quelques séances spécifiques en amont suffiront. En revanche, si tu veux optimiser ton potentiel… » Il s’arrête, puis reprend : « personnellement, je préfère découper ma saison en tronçons. Une course peut alors servir de préparation à une autre, afin de sortir de la monotonie de l’entraînement ». C’était le cas avant la pandémie de Covid-19.

Enchaîner un 10 km le 10 du mois et un trail qui présente 2 000 mètres de dénivelé positif trois semaines plus tard ne serait donc pas impossible ? « Impossible ? Non, si le mental suit, et le physique aussi », admet Antoine Miel, coach sportif et auteur du livre Trail, je m’entraîne en ville (éditions Solar). « Seulement, il est illusoire de penser pouvoir enchaîner les pics de forme ». D’où l’importance de cibler ses objectifs, de « prévoir des blocs de travail », résume Sylvain Cesbron, entraîneur fédéral basé à Angers, qui conseille à ses athlètes, par exemple, de prendre le départ de quelques trails, « en guise de préparation générale » – avant d’observer une « préparation spécifique » pour un marathon.

3 Le comportement adéquat, tu adopteras

Varier les plaisirs, c’est aussi prendre le risque de perdre ses repères le jour-J. « Quand tu passes d’une pratique à l’autre, tu te mets quelque peu en danger », avoue Julien Rancon. « Vite faire la part des choses, c’est la clé ». Boucler un 10 km en moins de 35’ ou 45’ est une chose, finir un trail de 60 km en montagne en est une autre. « Le grand écart n’est pas simple. Si tu n’as pas d’expérience, tu peux voler en éclats, rien qu’au départ ». Ses conseils ? Etudier les profils des courses, adapter son échauffement, gérer son allure.

4 Les séances spécifiques, tu adapteras

« S’il veut être efficace, un routard se doit d’adopter des gestes linéaires, avec une attaque au sol optimisée ; sa chaîne postérieure (ischio-jambiers) est mise à rude épreuve », indique Sylvain Cesbron. « Le traileur, lui, doit savoir varier la fréquence et l’amplitude de ses foulées ; en montée, ses quadriceps le soutiennent ». Bref, les qualités requises ne sont pas les mêmes, les groupes musculaires sollicités non plus.

Mettre en exergue ces différences, c’est souligner l’importance des entraînements spécifiques avant chaque échéance. Répétition de montées-descentes ou renforcement musculaire d’un côté, séances montre en main de l’autre. « En conciliant les deux, le coureur peut tirer profit de cette complémentarité, entre gain de force ou gain de vitesse », tente Antoine Miel. « Il souffrira peut-être de quelques manques s’il se disperse un peu trop, mais c’est le risque à prendre ».

5 Tes chaussures, tu changeras

« Contrôle du matériel obligatoire, s’il vous plaît ! ». Dans le milieu du trail, la phrase est connue : un sifflet par-ci, une veste 10 000 Schmerber par-là, sans oublier la réserve d’eau d’un litre. Et dès que la distance de l’épreuve augmente, cette liste est susceptible de s’allonger. La route échappe à cette escalade. « Un short, une paire de chaussures, et c’est parti ! », résume Fabrice Lai, co-gérant du magasin KM 42, à Paris. Les chaussures, on y vient. Selon les pratiques, toujours, les besoins sont différents en termes d’accroche, de dynamisme, de stabilité. « Certaines vous permettent de courir sur la plupart des terrains », ajoute-t-il. « Mais elles s’useront en un rien de temps ; l’efficacité et/ou le confort ne seront pas au rendez-vous. Il me paraît indispensable de jongler entre plusieurs paires ». Il précise : « chaque marque propose quasiment un modèle pour chaque course, il faut donc faire le tri. Si l’on respecte une certaine logique au niveau du drop, les risques sont limités ».

6 L’alimentation, tu soigneras

Alterner route et trail, c’est aussi définir les besoins nutritionnels du corps, « avant, pendant et après l’effort, en fonction des épreuves », insiste Antoine Miel, titulaire d’un diplôme universitaire en nutrition. « Diversifier les apports pendant un ultra-trail est indispensable. Sur un marathon, c’est moins le cas ». Une constante, toutefois, selon lui : « toutes les erreurs se paient cash ! ». Dans son viseur : les fameux gels ou boissons isotoniques non testés en amont, « qui peuvent faire pas mal de dégâts ».

7 Du recul, tu prendras

A l’arrivée d’un trail : « 6 km/h de moyenne, seulement ? Tu t’es perdu ? ». Au départ d’un 10 km : « une si courte distance pour toi, ça doit être simple, non ? » Jouer sur les deux tableaux, « c’est prendre le risque de sortir de sa zone de confort », reconnaît l’entraîneur angevin Sylvain Cesbron, mais c’est aussi s’exposer à des « raccourcis faciles », voire des éloges disproportionnés. Rester humble permet d’en sourire et de prendre du recul sur sa pratique.

8 Les phases de récupération, tu respecteras

D’un côté, les novices. De l’autre, les habitués. Le Saumurois Éric Hérault fait partie de ceux-là, lui qui a lié sa passion pour les dossards à l’analyse poussée des podiums,sur lesquels il grimpe la plupart du temps. Lauréat d’un trail local un jour, champion de France master de marathon le lendemain (à Metz, le 13 octobre 2019, en 2h28’44). Et la récupération dans tout ça ? « Je ne suis pas toujours à bloc ! », s’amuse-t-il. Antoine Miel analyse : « plus tu pratiques, plus tu récupères vite. Maintenant, pour tous, il faut laisser le temps au corps d’assimiler les efforts – sous peine de régresser -, savoir respecter des cycles de récupération, qui varient selon les courses ». « Cela peut sembler bizarre mais ces cycles sont plus longs après une épreuve sur route, une surface agressive sur laquelle le coureur conserve la même foulée et pousse souvent les curseurs au maximum en matière d’intensité », commente Patrick Bringer.
Ça, c’est pour le corps. Et pour la tête ? « Savoir s’écouter est une qualité », insiste Antoine Miel. « Une compétition peut te vider psychologiquement, un ultra notamment. Or, sans fraîcheur mentale, difficile d’avancer ».

9 D’autres pratiques, tu intégreras

« Au cours d’une saison, même si les pratiques et les objectifs changent, une certaine lassitude peut s’installer », admet le coach sportif Antoine Miel. Sa préconisation ? Varier les disciplines : natation, VTT ou encore musculation. « Intégrer des sports portés à ta préparation peut te permettre d’accélérer ta récupération et, parfois, d’augmenter ton volume d’entraînement. Ça ne peut être que bénéfique ».

10 La notion de plaisir, tu conserveras

« Avoir une pratique multidisciplinaire est assurément bénéfique pour la connaissance de soi », jure Julien Rancon, intarissable sur le sujet. « Outre le fait de casser la routine, cela ouvre l’esprit. Maintenant, si tu n’y trouves plus aucun plaisir, si tu épingles un dossard à reculons, cela ne durera qu’un temps ».

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